Tromper les nazis dans une langue étrangère / Germaine Tillion

Par GAEL SAINT GEORGES, publié le dimanche 3 décembre 2023 18:16 - Mis à jour le mardi 5 décembre 2023 11:05

  Après son interpellation par la Gestapo à Lyon en 1942, Germaine Tillion est transférée sur Paris, à la prison de la Santé, puis près d'un an à la prison de Fresnes avant sa déportation sur Ravensbruck.

Lors de cette incarcération sur Paris, elle est longuement interogée ; elle se défend comme elle le peut en écrivant un dossier pour arguementer son arrestation arbitraire. Grâce à une de ses amies, Marcelle Monmarché, elle garde le contact avec l'extérieur afin de continuer à résister (elle passe des messages dans du linge à laver par exemple). Elle continue aussi sa thèse. Elle apprend alors qu'un dénommé Albert Gaveau est sans doute à la solde de la Gestapo et a infiltré le réseau de l'Homme et fait arrêté bon nombre de ses membres imminents (dont plusieurs sont fusillés). Germaine fait alors passer ses directives par Marcelle dans une lettre entièrement rédigée en Chaouia, la langue du peuple algérien qu'elle étudie pour sa thèse d'ethnologie. Ainsi, les autorités ne peuvent pas démasquer le message qui informe le reste du groupe de se méfier du traitre. Pour brouiller les pistes, elle date cette lettre de 1936 afin que l'on croit que c'est véritablement un travail qu'elle a effectué lors de ses séjours dans l'Aurès algérien. Impossible pour les Allemands de la déchiffrer.

La lettre intitulée « Haqsiṭṭ n gafu » (L’histoire de Gaveau) contenait toutes les informations sur le mouchard : où il habite (taddert annes), sa situation familliale (ɣer yemmes , ɣers tamaṭṭut), on peut même découvrir dans l’avant dernier paragraphe l’un des traits de son caractère : itḥib tisadnan (il était un coureur de jupons !). Par cet ingénieux stratagème, Germaine Tillion a peut être sauvé la vie à plusieurs membres de son réseau. Plus tard, lors du procès d’Albert Gaveau en 1949, Germaine Tillion sera entendu par le juge d’instruction de la Cour de Justice de la Seine qui condamnera Albert Gaveau aux travaux forcés à perpétuité .

 

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