Résister en se construisant son "temps" de détention

Par GAEL SAINT GEORGES, publié le lundi 4 décembre 2023 14:48 - Mis à jour le mardi 5 décembre 2023 11:06

Geneviève de Gaulle est déportée, le 31 janvier 1944, au camp de Ravensbrück. Elle est dorénavant le matricule 27372. D’abord une détenue comme une autre, elle demeure la nièce du général de Gaulle. Ainsi, le 28 octobre 1944, sur ordre du Reichsführer-SS Himmler, pouvant servir de monnaie d’échange, elle est placée à l’isolement dans le Bunker, la prison du camp de Ravensbrück.

Avant d’y être conduite, elle peut prendre avec elle les quelques effets personnels qu’elle a en sa possession, notamment son sac à pain et son porte-aiguilles, qu’elle parvient à dissimuler à la vigilance de ses gardiens. Ce sac à pain en tissu est essentiel pour conserver un contenu particulièrement précieux pour des femmes sous-alimentées. C’est également un objet personnel, le signe que l’on existe encore en tant qu’individu capable d’avoir quelque chose à soi, quand tout a été pris à l’arrivée au camp.

Geneviève de Gaulle l’a brodé en représentant son parcours depuis son arrestation, le 30 juillet 1943, jusqu’à son internement au « Zellenbau », au bloc cellulaire. Chaque date marquante est brodée avec un fil rouge. Chaque étape est évoquée par un trait et un nom brodés avec un fil noir: « Prison de Fresnes », « Stalag Compiègne » [camp de Royallieu], » FKL [Frauenkonzentrationslager, camp de concentration pour femmes] Ravensbrück ». La dureté et l’insalubrité du convoi de déportation sont évoquées avec pudeur par la simple mention du « Wagon-Tinette ».

Le sac à pain de Geneviève de Gaulle témoigne de cette capacité à ne pas renoncer, à ne pas céder face à la répression et à l’idéologie nazie. Il reste encore de la place sur le tissu pour une suite, un après. Si le camp de Ravensbrück ne permet pas d’envisager l’avenir sans appréhension, il reste l’espérance, qui commence avec la certitude que l’on n’est pas oublié.

Geneviève de Gaulle sort du Bunker le 28 février 1945 pour être transférée par étapes jusqu’au camp de Liebenau, près de la frontière suisse, où un délégué de la Croix-Rouge parvient à obtenir sa libération. Le 20 avril, elle peut rejoindre la Suisse, où son père, en mission dans le pays, l’attend.

Pièces jointes

À télécharger

 / 1