Résister dans le transport vers Ravensbrück

Par GAEL SAINT GEORGES, publié le mardi 12 décembre 2023 11:46 - Mis à jour le mardi 12 décembre 2023 11:46

Lorsque les femmes montent dans les trains vers la déportation, elles partent vers l'inconnu ; bien avant l'univers concentrationnaire, le transport est déjà un enfer. La lutte, la résistance commence dès ce départ. Yvonne Châtelain, née en mars 1926 est déportée au camp de Ravensbrück par le train du 18 avril 1944, partant de la gare de l'Est avec 417 femmes à son bord. Yvonne est arrêtée le 1er mars 1944 à Alfortville (région parisienne) par la gestapo,  pour propagande et distribution de tracts au sein des auberges de jeunesse de la région. Elle est interrogée rue des Saussaies à Paris, puis enfermées à Fresne pour terminer en internement à Romainville avant d'être transférée à Ravensbrück. Elle arrive au camp le 22 avril 1944.

Une déporté raconte alors (Charlotte Delbo en 1970 dans Mesure de nos jours) :"Quand le train a pris quelque distance, des femmes ont tiré de leur sac des carnets et des crayons. Elles ont arraché des pages de carnets, en ont donné à celles qui n'en avaient pas et la plupart ont écrit des billets qu'elles ont pliés petit pour les glisser par les interstices des portes".

 

 

 

 

 

 

Yvonne fait partie de ces femmes qui, immédiatement, se placent en résistance ; elle écrit plusieurs mots qu'elle arrive à faire tomber sur les voies ferrées. Plusieurs sont récupérés et transmis à qui de droit. Voici le contenu d'un de ceux là conservé par Marlyse Guthmann, elle aussi dans le convoi d'Yvonne dont la famille recevra ce message.

" Cher ami,

me voici en route pour Metz ou l'Allemagne, destination inconnue, moral excellent, mais regrets de ne pas être près de la famille ces jours-ci. Ce serait beau à vivre sur place. Ma petite villégiature a commencé il y a un mois et demain. Chacun son tour. Vous serez gentil de dire à Maman que le voyage est très bon, et que je vais très bien. Parties le 15 août, nous n'allons pas très vite. A très bientôt. Peut-être notre retour nous ramènera par le pays. Dites aussi que Marlyse est avec moi et que l'équipe est solide et se tient les coudes. Nous sommes le ramassis important et le dernier vestige du danger. Merci de tout coeur, à très bientôt je crois et j'espère.

Vive notre France. 

Yvonne"

On sent ici qu'Yvonne résiste ici en effectuant cet acte interdit bien sûr mais aussi car on y perçoit une volonté de survivre et de ne pas se laisser aller ("à très bientôt je crois"). Yvonne est une résistante dans l'âme et continuera après sa déportation à témoigner dans les collèges de la région de Reims jusqu'à son décès en 2014.